Pourquoi tout le monde se met à la fibre ?
Pourquoi le déploiement fibre optique est-il, à l’heure actuelle, surnommé le « Premier Chantier de France » ? Pourquoi les entreprises et les particuliers ont-ils tout intérêt à passer à la fibre ?
1 – Le « Plan France Très Haut Débit »
A – Des objectifs ambitieux
Nous l’évoquions dans notre article précédent, il est temps de rentrer dans les détails. À l’initiative du gouvernement, le Plan FTHD a été adopté le 28 février 2013 et a pour but de généraliser l’accès internet très haut débit sur le territoire français.
L’ambition ? Couvrir l’intégralité du territoire. D’abord prévu pour 2022, cet objectif a ensuite été repoussé à 2025 et, à l’heure où nous écrivons ces lignes, Orange – propriétaire du Réseau Téléphonique Commuté (« RTC ») et de la quasi-totalité des infrastructures Telecom – a pris ses engagements pour 2030. Afin de pouvoir mener à bien ce projet pharaonique, plusieurs milliards d’euros y ont été alloués. Cela permet entre autres aux collectivités territoriales de financer le déploiement de la fibre optique dans des zones peu habitées, dont le raccordement ne serait pas rentable assez rapidement pour les opérateurs privés.
Car l’état n’est effectivement pas le seul acteur de ce plan FTHD :
- Les opérateurs privés : ce sont généralement eux qui réalisent et financent les travaux ;
- Les collectivités territoriales financent le déploiement là où les opérateurs font défaut.
Lorsque l’on parle de « Très Haut Débit », il faut bien comprendre que l’on parle majoritairement de fibre optique. Le réseau RTC, comme nous le verrons plus en détail dans la suite de cet article, est voué à disparaître, trop limité et trop laborieux à entretenir. Les travaux consistent donc principalement à déployer de tous nouveaux réseaux de fibre optique, les technologies alternatives (4G, câble, satellite….) ne constituant qu’une partie minoritaire – mais non négligeable – du projet. Les technologies filaires comme le câble seront d’ailleurs elles aussi probablement vouées à disparaître.
B – Du plan Câble au plan FTHD
Ce n’est pas la première fois que l’Etat envisage le déploiement de la fibre optique à échelle nationale. Le « Plan Câble », ambitionné peu après le « Plan Téléphone » dans les années 1970 ayant amené au déploiement de lignes téléphoniques sur l’ensemble du territoire français, était déjà un projet ambitieux. Mais la direction étatique responsable du projet s’est peu à peu transformée en établissement public, donnant naissance à France Télécom, et les exigences ont été revues à la baisses pour être progressivement laissées de côté. Seules quelques rares collectivités, comme Biarritz, ont alors pu profiter de ce déploiement fibre et le reste de la France s’est tourné vers les réseaux câblés ou ADSL.
À partir de 2009, le remplacement des réseaux cuivre par des réseaux optique redevient un sujet d’actualité mais l’État ne se place plus en acteur direct de cette transformation. Il limite son activité à l’encadrement réglementaire des initiatives publiques locales, négocie avec l’UE afin de faciliter les emprunts locaux…. c’est également l’avènement du Plan National Très Haut Débit, suivi donc, en 2013, par le Plan France Très Haut Débit.
2 – L’arrêt du Réseau Téléphonique Commuté (RTC)
Conséquence du plan THD ou calcul économique, le décommissionnement du RTC annoncé par Orange ne laisse pas d’autre choix que de suivre le mouvement vers le très haut débit.
A – Qu’est-ce que le RTC ?
Avant la fibre optique, les télécommunications et accès internet filaires s’effectuaient par le biais du Réseau Téléphonique Commuté (« RTC »). D’abord détenu par France Télécom, le RTC a ensuite, en toute logique, été récupéré par Orange. Mais qu’entend-t-on exactement par “Réseau Téléphonique Commuté” ?
Il s’agit du réseau téléphonique classique comme nous le connaissons depuis les années 1980, le terme “commuté” signifiant que les communications sont rendues possibles grâce à des commutateurs automatiques permettant d’établir une liaison temporaire entre deux terminaux. À l’origine, ces commutations étaient établies manuellement par des opérateurs et opératrices via des cordons souples à fiche et des tableaux d’arrivée et de départ d’abonnés.
Si le premier commutateur automatique et le cadran de numérotation à dix chiffres permettant d’établir une liaison entre deux abonnés d’un central sans intervention humaine ont été brevetés en 1891, ce n’est qu’au début du XXe siècle, aux Etats-Unis, que les premiers commutateurs automatiques ont été installés.
Les liaisons entre les centraux téléphoniques (“boucles locales”) sont composées de câbles multipaires (câble électrique combinant différents signaux ou alimentations dans un seul câble gainé.) en cuivre. Physiquement, ce sont tous les câbles urbains que l’on peut voir dans les rues, des câbles souterrains ou encore la paire de fils arrivant chez l’usager.
En France, la boucle locale cuivre appartient à Orange, dû à son héritage de France Telecom. Jusqu’en 2000 tous les usagers payaient un abonnement à France Télecom en sus de leur opérateur mais ceux-ci peuvent désormais prendre en charge eux-mêmes ces frais ; c’est le dégroupage total.
Si le réseau RTC présente un certain nombre d’inconvénients (le cuivre est par exemple sensible aux interférences électromagnétiques) il avait tout de même l’avantage d’être auto-alimenté (bien que de nos jours, les téléphones modernes possèdent pratiquement tous leur propre source d’alimentation externe). Les combinés téléphoniques ne sont d’ailleurs pas les seuls qui emploient le réseau RTC : de nombreux systèmes de télésurveillance, par exemple, y sont raccordés.
Cependant, le coût de maintenance de ces infrastructures (incombant à Orange) soulève la question de la pertinence d’entretenir parallèlement les deux réseaux (fibre/rtc). Des pays comme la Suisse, la Croatie ou la Macédoine ont d’ailleurs déjà fait la bascule vers le tout IP. (Les liaisons ne se font plus de numéro d’abonné à numéro d’abonné, mais d’adresse IP de box à adresse IP de box) En novembre 2019 l’opérateur historique a donc annoncé officiellement son programme d’interruption du RTC et a dévoilé les phases de celui-ci.
B – Un arrêt progressif
Pour permettre une transition en douceur, le décommissionnement des quelques 110 millions de kilomètres de câbles de cuivre du réseau RTC se fera par paliers temporels et zones géographiques.
- Arrêt de la production de nouveaux accès RTC par Orange :
- Depuis le 15/11/2018, il n’est plus possible d’ouvrir de nouvelles lignes analogiques sur le territoire métropolitain. Les lignes existantes continuent de fonctionner ;
- Depuis le 15/11/2019, les lignes numériques de base (RNIS T0 principalement utilisées par les entreprises) ne sont plus commercialisées en France métropolitaine. Les lignes existantes continuent de fonctionner ;
- À partir du 15/11/2020, les lignes analogiques cesseront également d’être commercialisées dans les département d’Outre-mer ainsi qu’à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, les lignes existantes continueront de fonctionner ;
- À partir du 15/11/2021, arrêt de la commercialisation de nouvelles lignes RNIS T0 sera étendu à l’ensemble des départements d’Outre-mer, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Les lignes existantes continueront de fonctionner.
- Fermeture technique progressive :
À partir de fin 2023, Orange mettra progressivement fin à la technologie RTC, procédant par “plaques” géographiques L’Arcep (l’autorité régulant le marché télécoms) impose d’annoncer au moins 5 ans à l’avance les plaques devant être fermées, afin de permettre à l’ensemble des opérateurs de la zone concernée ainsi que les utilisateurs, d’anticiper et de migrer leurs usages vers une autre technologie.
Car si à l’origine du projet, seule la téléphonie fixe était concernée et devait toujours fonctionner en tout-ip via par exemple l’ADSL, tant qu’une Box se chargeait de faire l’intermédiaire entre le téléphone et la prise commutée (en d’autres termes, les commutateurs ne se chargeraient plus de gérer la connexion entre les appelants, car celle-ci se ferait désormais par IP grâce à la Box et, de plus la ligne ne serait plus alimentée électriquement) , l’ambition d’Orange d’arrêter complètement l’exploitation du réseau cuivre est désormais officielle, en témoigne l’arrêt de la commercialisation de ses offres ADSL d’ici 2023.
- Le Nord, 311 communes concernées dès 2023.
311 communes du Nord se trouvent sur l’une des premières plaques concernées par la fermeture de 2023.
Concrètement, cela sous-entend qu’il ne reste que trois ans aux usagers des communes concernées pour migrer leurs services cuivrés vers d’autres options. Les entreprises et résidents de la région ont donc tout intérêt à anticiper et s’y mettre dès maintenant car ne nous y trompons pas : les retardataires auront à composer avec les prestataires sous-traitants des opérateurs nationaux, souvent débordés et plus soucieux de tenir leurs engagements en nombre de raccordements que de la qualité de leur travail. Nous noterons d’ailleurs que le choix de cette plaque n’est pas un hasard : de par notre expérience dans les métiers des télécoms, nous avons pu constater combien le réseau RTC de la zone s’est dégradé, à tel point qu’Orange se devait d’en faire une priorité pour être en mesure d’assurer un service décent.
De plus en plus de professionnels considèrent l’option de se tourner vers un Opérateur Alternatif, pour qui la qualité et la satisfaction client priment, et qui ne considère pas leurs usagers comme de simples numéros de boîtier PTO. Chez Techcréa Solutions, nous assurons nous-même le déploiement de nos lignes FTTO (fiber to the office, fibre dédiée) et nous accompagnons les entreprises depuis la première prise de contact jusqu’à la mise en service effective. Notre service technique cultive le sens de l’humain et la passion du métier.
Le “tout fibre” soulève cependant quelques questions ; par exemple quid d’un backup multi-support ? Le RTC permettait entre autres de téléphoner (sous réserve d’un téléphone autoalimenté, “à l’ancienne” ) même si une habitation se retrouvait subitement privée d’électricité.
Dans tous les cas, le meilleur moyen d’éviter d’être pris à défaut, c’est d’envisager dès maintenant la migration. Et c’est encore mieux si c’est avant vos concurrents ;).
3 – La compétitivité numérique
La concurrence, parlons-en ! Car si la France consacre autant d’efforts et de moyens à fibrer l’ensemble du territoire, c’est bien pour rester compétitive dans la sphère digitale, tant pour des questions de sécurité nationale que d’économie.
L’avenir est au big data, à la réalité virtuelle et aux intelligences artificielles. De plus en plus d’objets connectés trouvent une place dans notre quotidien. Le télétravail se démocratise et implique le transferts de fichiers parfois volumineux ou une connexion stable et sécurisée aux serveurs de l’entreprise.
Les habitudes de consommation évoluent également : en avril 2020, le baromètre de Salesforce révélait une augmentation de 40% du nombre d’acheteurs uniques au premier trimestre, et une augmentation des revenus e-commerce de 20% dans le monde. Pour tenir la charge, les acteurs de la vente en ligne se doivent d’investir dans des serveurs puissants avec une connectivité adaptée au trafic généré.
Les récentes tensions entre les États-Unis d’Amérique et la Chine au sujet de Huawei sont un bon indicateur de l’impact technologique sur la sphère géopolitique et économique.
Bien sûr il serait dommage de terminer ce point sans parler des opérateurs eux-mêmes et de l’équilibre délicat (surveillé par l’Arcep, l’organisme de régulation des télécoms) entre la volonté de s’imposer sur le marché et la dépendance aux interconnexions concurrentes.
En effet, pour garantir les meilleurs débits à leurs usagers, les opérateurs internet ont tout intérêt à multiplier les interconnexions entre eux. Pour faire simple, tout réseau fibre a un (ou plusieurs) point(s) de départ (NRO / noeud de raccordement optique), qui le relie au “reste de l’internet mondial”, et donc, souvent, directement aux concurrents. Certains opérateurs ont incorporé dans leur stratégie la taxation des flux de données circulant dans leurs réseaux : par exemple Free et sa monétisation des flux entrants (raison pour laquelle Netflix, qui refusait de payer, a longtemps été de mauvaise qualité sur ce réseau). Il y a alors tout intérêt à multiplier les interconnexions afin de permettre la récupération et l’envoi de ces flux par d’autres voies, comme par exemple FranceX, beaucoup plus ouvert. Plus les interconnexions sont nombreuses et variées, moins un opérateur est dépendant d’un autre.
4 – En conclusion
Vous l’aurez compris, il y a tout intérêt à se mettre à la fibre optique !
Le domaine est en plein essor et représente un véritable enjeu économique, géopolitique – et professionnel : le Premier Chantier de France a besoin de main d’oeuvre !
D’ailleurs nous recrutons toujours un·e soudeur·e fibre expérimenté·e (pour rappel nous sommes basés à Marly dans le 59) :
Bien sûr, nous sommes loin d’avoir fait le tour de la question tant les enjeux et l’univers des télécoms sont vastes mais restez connectés : nous remédierons à cela dans nos prochains articles ;).
— Caroline PETER, Responsable Marketing et Communication chez Techcréa Solutions.
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